Bibliothèque d’images de Babel

  • Édition, Installations
  • Parenthèse #1 : Prototype

La Bibliothèque d’Images de Babel est une installation qui s’inspire du texte de Jorge Luis Borges du (presque) même nom, La Bibliothèque de Babel. L’auteur nous donne à imaginer une bibliothèque composées d’une multitude de salles hexagonales rangées à l’infini, reliées par des couloirs, dans lesquelles est ordonné un nombre incalculable de livres. L’ensemble de ces livres représente une incroyable construction qui contiendrait toutes les vérités, puisque tout ce qui est écrit s’y trouverait. C’est une vision vertigineuse d’un infiniment complexe qui nous est proposée.

Dans le cadre de ce projet, cette bibliothèque de livres est transposée sur des images numériques : chaque caractère imprimé, chaque page, chaque livre seraient un pixel, une résolution, une image. Dans cette bibliothèque 2.0, il ne s’agit plus de lire tous les livres du monde, mais de voir toutes les images. De l’image noire initiale au monochrome blanc final, tous les images numériques possibles composent le parcours entre ces deux extrêmes. L’ordinateur devient l’outil capable de donner à voir ce qui a été, est, et sera, par le simple agencement de pixels différents selon un algorithme donné.

Cette bibliothèque numérique devient donc créatrice de tous les sens et des signes d’un monde totalement désincarné, sous la forme d’une combinaison de 16 777 216 couleurs sur des images d’une résolution donnée. Contrairement à la bibliothèque de Jorge Luis Borges, cette version propose une forme finie, qui contient nécessairement tout ce qui numériquement possible de donner à voir, à lire dans toutes les langues possibles, humaines ou non. Cette bibliothèque, c’est un logiciel capable de donner à voir tout ce q!ui est tangible à l’œil nu face à un écran.

Si tout ce qui est visible est contenu dans cette bibliothèque, la probabilité de voir une image qui fait sens à notre œil est quasi-nulle : si l’on prend l’exemple du début de la collection, il faudrait parcourir plusieurs dizaines de milliards d’images pour dépasser les monochromes noirs « tâchés » de quelques pixels qui commencent la bibliothèque. C’est pourtant exactement vers cet endroit qu’est orienté le regardeur. Ce projet n’est pas la lecture d’un monde connu, mais plutôt la capacité de construction et d’imagination autour d’une image — même abstraite. Face aux flux incessants d’images dont on dispose, ce  travail s’accroche à la perception de cette image, plutôt que de sa compréhension : au lieu de donner à voir, à lire ou à comprendre, le spectateur est stimulé, son regard provoqué, vers un éventuel ailleurs de l’image — une sorte de hors-champs où c’est le fait même de voir qui suffirait, et qui engagerait davantage ce regardeur de plus en plus passif, habitué aux sous-titres, aux cartels, aux commentaires.